En 2002 j'avais 21 ans. Etudiante avec déjà quelques blessures, je tentais vaguement de les panser en écoutant plutôt du Bruel (et j'assume totalement
) et quelques autres artistes ici et là, Farmer, Cabrel...
A la rentrée universitaire de septembre 2001, j'avais rencontré une fille de ma promo qui allait devenir une très bonne amie pour quelques années. Emilie n'avait pas osé pendant ces quelques mois de début d'amitié me parler de sa passion pour Indochine, rapport au statut de vilain petit canard du groupe à l'époque. Il faut dire aussi que je lui cassais les oreilles avec mon répondeur Orange de l'époque "Viiiiiiiiiiite je tooooooooombe, est-ce que tu m'entendras? J'te mentirais, blablabla..."
Emilie, elle avait eu du pot, son paternel lui avait fait découvrir Indochine sur l'album Wax, avec les concerts et tout le toutim.
Aussi incroyable que cela puisse paraitre, je n'avais JAMAIS entendu parler d'Indochine. Je pense que j'avais dû entendre vaguement l'aventurier pendant une des soirées "on s'éclate sur la piste" où je m'étais (me suis) rendue très rarement parce que je m'ennuie souverainement lors de ces évènements festifs. Mais je ne m'étais pas penchée plus que ça sur le pourquoi du comment.
Je me souviens que j'étais à Auchan Porte des Alpes à Lyon et que nous bavardions au téléphone avec Emilie. Et là je lui demande ce qu'elle va faire une fois qu'elle aura raccroché, que moi je flâne dans les rayons à Auchan, activité passionnante s'il en est.
Et Emilie ose alors "m'avouer" qu'elle va écouter le dernier album d'Indochine, qu'il vient de sortir 2 jours avant, et "c'est du super son, je suis fan de ce qu'ils font, je suis sûre que tu vas aimer, essaie d'écouter, tu vas adorer etc..."
Je fais confiance à Emilie qui selon moi ne parle pas en l'air, j'ai quelques sous sur mon compte d'étudiante pas riche mais bon c'est que 20 euros, et je sens que mon univers musical va peut-être s'enrichir un peu, et puis je n'ai pas grand chose à perdre (que 20 euros...)
J'achète l'album, je passe le reste de la journée tranquille en cours sans être pressée de rentrer chez moi vu que je ne sais pas à quoi m'attendre, je ne connais pas, j'y vais même sans à priori puisque je n'ai pas de quoi en avoir.
La photo de la fille avec la main dans sa petite culotte m'avait quand même intriguée, ça m'avait laissé un peu toute chose, avec la vague intuition d'un truc un peu space, ça me ramenait à des trucs intimes, des trucs persos qu'on ne confiera même pas à sa meilleure amie, bref... Un truc provoc' et qui me plaisait bien.
Je rentre chez moi. Je mets le CD dans mon lecteur CD qui avait appartenu à ma grand-mère et qui n'est plus tout jeune. Je jette un oeil au dos du boitier pour lire les titres: Titre 1 Paradize. "Hein? Paraquoi?" je mets le son, les première notes envahissent la chambre... Et là
Bordel!!! Les frissons direct. L'impression de découvrir enfin la musique que j'ai toujours eu envie d'entendre, la voix de Nicola qui arrive, le texte... Putain... Je reste scotchée pendant un moment. Et puis je n'écoute même pas la chanson jusqu'à la fin, je passe à la 2 pendant 1 mn, et puis la 3 etc...
J'appelle Emilie, surexcitée, je veux tout savoir. Parce que évidemment à l'époque je n'avais pas internet chez moi, c'était moins facile pour glaner des infos, c'était le moyen-âge. Emilie a cours le lendemain, et moi aussi, mais ça fait rien, on s'en fout, on va sécher toute la journée, "viens à la maison demain matin, j'ai plein de trucs sur eux."
On a passé la journée dans son petit studio d'étudiant à mater les DVD qu'elle avait, Wax, Les divisions de la joie, elle avait des VHS avec quelques rares passages d'Indo, des trucs qu'elle avait récupéré à droite à gauche. Elle me fait écouter tous les albums précédents, un kiff incroyable, la découverte de Dancetaria est une claque encore plus monumentale. On passe 1 heure à chanter en duo Juste toi et moi "comme des étoiles hohooo, juste toi et moi, hohoooo" en se passant un micro imaginaire. On est à fond. Moi super heureuse de découvrir ce groupe, Emilie super heureuse d'avoir enfin une amie qui va devenir aussi addict qu'elle. Emilie me fait découvrir la première version du site internet d'Indo sur son ordi portable (elle avait internet chez elle). Je me souviens du choc en voyant cette fameuse image, vous savez, un mec ou une nana, je ne sais plus, assis avec ses bras autour de ses genoux, cette image que fabien avait mis sur son site. Je sais pas pourquoi, ça m'a ouvert mon univers graphique, c'était un truc différent, un truc que je ne connaissais pas. J'hallucine complètement d'être passée à côté de ça. J'ai l'impression de me réveiller, l'excitation ne retombe pas, c'est trop bon de connaître tout ça avec Emilie qui sait tout ce qu'il y a à savoir à l'époque.
Je tombe littéralement amoureuse d'Indochine.
On achète nos places pour le 06 décembre à Lyon. On vit les mois d'attente dans une impatience grandissante. J'ai déjà acheté quelques uns des albums précédents. Emilie m'en a gravé d'autres le temps que je puisse les acheter. Concert en fosse, je ne vois absolument pas la scène mais je m'en fous, je m'éclate à fond pendant ce premier concert inoubliable. Et puis on y retourne le 25 mars 2003, on s'éclate toujours autant. Alors on décide d'aller à Saint-Etienne le 31 mai 2003 avec deux autres amies. On part en voiture, la musique d'Indo à fond, on chante à tue-tête, on est dingues. On arrive à 13h00 devant la salle (c'était le bon temps quand même...
) on discute avec d'autres fans pour l'attente, on mange nos sandwichs clubs et nos Figolu achetés avant de partir au supermarché du coin, et on patiente.
On a acheté des roses pour Nicoula
et une peluche gorille
, et même que la peluche portait un petit sac à dos, je l'avais trouvée chez King jouet, et on s'était dit avec Emilie que ce serait une super idée d'écrire chacune une lettre au groupe et de les placer dans le sac à dos qui fermait bien pour ensuite lancer la peluche sur la scène. Ça nous a semblé l'idée du siècle. On entre dans la salle. Miracle ! On est au 2ème rang côté Oli de Sat.
Concert mémorable. Je vois le groupe tellement proche, je vois Nicola qui s'approche du bord de la scène, je le vois remercier le public avec son petit air presque gêné. Et puis j'ai une idée complètement stupide qui me vient un peu plus tard, l'idée de groupie de base, fan boulet en puissance. Je demande à l'unique garçon de la bande de me prendre sur ses épaules à mon signal. Et puis Nicola arrive de notre côté, il passe devant nous, je crie à Rachid de me porter. Et j'enlève mon tee-shirt pour dévoiler mon petit soutien-gorge blanc en dentelle
, les yeux de Nicola reviennent de notre côté, et je n'oublierai jamais son regard halluciné en me voyant. On rigole bien, les gens autour se marrent bien, ce fut mon unique acte de fan boulet.
Pardon d'avoir été si longue et de m'être égarée sur les concerts, mais c'était quand même Paradize, la sortie de cet album est pour moi un tournant, le point de départ d'une grande aventure, d'une histoire d'amour intense mais lucide, d'une longue succession d'évènements et de moments plus marquants les uns que les autres.
Un album de souvenirs dont l'ouverture peut générer autant de réconfort que de douleur, parce que l'évocation de Paradize, c'est aussi le temps qui passe, cette époque révolue avec pourtant tellement de résonances aujourd'hui.