Les enfants du Phoenix

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camite
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Message par camite »

(nouvelle inspirée par Le Péril Jaune)

RYO

Le jeune garçon ouvre les yeux, se redresse péniblement en s’aidant des bras. L’obscurité règne dans la pièce malgré la lumière du matin qui s’infiltre entre les murs de bambous. Combien de temps a-t-il dormi ? Et pourquoi sur le dos ? Quelque chose d’inhabituel a dû arriver.

Il tente de se lever pour aller ouvrir la porte de la modeste maison. Une douleur lourde lui traverse l’abdomen. Sa vue tourne rouge. Migraine. Il se recouche, ferme les yeux. Un peu de salive tente de se frayer un chemin au travers de sa gorge mais sans succès. Sensation de soif. Il se voit dans une sorte de boite, vêtu comme pour l’ultime voyage. Une demi-douzaine de moines se penchent sur son corps, le lavent et le maquillent. Il se sent soudainement bien. Il sait que la mort viendra bientôt le chercher. Ne reste plus qu’à l’attendre pour la regarder en face. Le garçon commence alors à méditer, s’approche paisiblement de la fin de cette vie…

Une jeune fille blonde surgit alors sur le côté de la boîte. Lui n’a jamais vu de fille avec des cheveux aussi clairs. Ni de filles avec d’aussi grands yeux. Elle lui prend la main, lui caresse le visage, puis demande d’une voix irréellement douce : Tu as soif ?

Il ouvre à nouveaux les yeux, entend du bruit à l’extérieur de la cabane. La soif. Impossible d’appeler avec sa gorge desséchée. D’un geste du bras, il renverse ce qui se trouve non loin du lit. Le bruit interpelle la personne dehors. La porte s’ouvre finalement…

— Enfin, te voilà réveillé !
— Oui, je… j’ai très soif, s’il vous plaît…
— Tiens, voilà de l’eau.
— Merci. Que… que s’est-il passé ?
— On t’a amené ici pour te soigner. Repose-toi maintenant.
— Mais… où on est, là ?
— Dans les plaines, non loin de Shanghaï.

La paysanne, d’une quarantaine d’années, laisse de l’eau à la portée du garçon et ressort. Il se rallonge et repense à la fille blonde : Peut-être un ange. Oui, sans doute. Aurais-je gagné le droit de revenir ?


MOEMI

La jeune femme pose pied à terre. Son corps, plutôt fin à la silhouette frêle, impose pourtant une impressionnante stature au milieu des nombreux pêcheurs qui s’affairent entre les pontons et autres embarcations. Quelque chose de mystérieux se dégage du masque qu’elle porte sur une grande partie de son visage, au dessus de la bouche. Elle se tourne vers son bateau au fier pavillon rouge et lance à son équipage, en japonais : Quartier libre jusqu’à nouvel ordre.

Pied à terre. La jeune femme descend cette fois-ci d’un pousse-pousse. Elle se tourne vers le coureur et le paye. Celui-ci ne retient pas sa surprise.
— La Dame masquée au sabre est trop généreuse. Lan ne peut pas accepter.
— Je parie que tu n’étais jamais allé aussi loin pour conduire quelqu’un, n’est-ce pas ? Ça vaut bien tout ce qu’il reste de mes trésors.
— Pour ce prix, je vous attendrai quinze jours ici s’il le faut.
— Si tout se passe comme prévu…
— Et bien ?
— Je ne reviendrai pas.
— N’allez pas vous mettre en danger.
A peine ces mots entendus, la jeune femme aperçoit une feuille qui tombe devant la figure du pousse-pousse. Dans un geste foudroyant, elle attrape le sabre attaché à son dos et tranche la fine feuille aussi violemment que précisément. Impressionné, le coursier reprend en riant un peu bêtement : Pardonnez-moi, je ne devrais pas me mêler de vos affaires, de toute façon. Ceci dit, il s’apprête à reprendre le chemin mais se retourne une dernière fois vers la jeune femme.
— Vous êtes japonaise, n’est-ce pas ? Je l’ai reconnu à votre accent. Mais votre chinois est très bon, et vous semblez encore jeune…
Elle esquisse un léger sourire.
— J’ai beaucoup voyagé.

Les dernières informations recueillies ne laissaient que peu de doutes. L’homme qu’elle devait retrouver sur ordre secret de l’empereur vivait très probablement ici.

A l’orée du village, une veille femme vient à sa rencontre.
— Vous cherchez quelque chose, mon enfant ?
— Je suis en mission pour l’empereur. Pourriez-vous me conduire à votre chef ?
— Vous n’êtes pas d’ici, n’est-ce pas ? D’où venez-vous ?
— De l’île d’Okinawa. Pourrais-je voir votre chef ?
— Okinawa dîtes-vous ? Voilà qui est amusant, figurez-vous, car…
— Ecoutez, c’est très important, je dois rencontrer votre chef.
— Et avez-vous une bonne raison pour cela ?
— Je le cherche depuis de nombreux mois. J’ai parcouru l’archipel du Japon, perdu mes deux meilleures amies dans une embuscade à l’Est de Java et navigué sur les mers de Chine. Cela vous paraît-il suffisant ?
— Je vais envoyer quelqu’un pour vous annoncer, miss… ?
— Paramount. Moemi Paramount.

L’homme accueillit la jeune femme dans sa maison, plus spacieuse que les autres du village, mais modeste tout de même. Il lui proposa de s’asseoir et de lui servir du thé, ce qu’elle accepta. Elle lui expliqua sa venue, pacifique mais en vue néanmoins d’obtenir des informations sur ordre de l’empereur. Alors l’homme lui raconta sa vie. Sa naissance sur l’île d’Okinawa. Son entrée au service de l’empire. Le jour où il mena avec succès une mission de sauvetage durant la sécheresse du Mékong. Lui et ses guerriers sauvèrent ce jour là des prisonniers de l’empire malgré l’attaque meurtrière d’un gang de brigands. Puis vint ce voyage à l’Est de Java, entrepris dans le but de tuer un redoutable assassin chinois appelé Le Dragon. Il affronta cet homme, un mercenaire occidental contrairement à ce que tous croyaient. Sur le point de le tuer, Le Dragon lui raconta comment les créatures appelées "anges" venaient chercher les gens avant de mourir. Mais il ne mourut pas. Il se réveilla quelques jours plus tard dans ce village, et décida d’y organiser une révolte afin d’améliorer la vie de ces paysans qui l’avaient sauvé.
— Et… cet ange ?
L’homme sourit.
— Il m’a demandé si quelque chose d’assez fort pouvait me retenir dans ce monde. Sans réfléchir, j’ai repensé à cette superbe guerrière que j’avais combattue durant la sécheresse du Mékong. Elle paraissait si jeune, et pourtant si forte pour diriger ces brigands… J’ai souhaité de toutes mes forces la recroiser un jour afin de mieux la connaître.
— Mais vous l’aviez blessée.
La jeune femme se leva puis retira son masque. Une immense balafre lui traversait le visage, des cheveux jusqu’à la lèvre supérieure. Elle raconta alors sa première mission, un test entre deux unités de combattants de l’empire, durant la sécheresse du Mékong. Ce combat qui la défigura à vie. Son honneur perdu jusqu’à ce qu’elle ne retrouve son vainqueur pour le tuer…

Ou pour l’épouser.

— Tu as le choix, Ryo.
— Je ne peux plus me battre depuis ma défaite contre le Dragon.
— Alors tu dois m’épouser.
— J’en ai gardé une autre séquelle… je ne pourrai plus jamais honorer aucune femme.

Moemi s’approche alors de lui, lui passe un bras autour du coup et l’embrasse.

— Alors nous adopterons un enfant. Une petite Justine, ou un petit Mao.


La tête dans les nuages, il pleut dans mon cœur.

Verrouillé