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NeoD.C
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Enregistré le : 15 janv. 2004 16:39

Message par NeoD.C »

Le dernier coup de feu résonne encore, je lâche l’arme que je tiens dans ma main, elle tombe comme dans les films au ralentit. Enfin après une chute interminable elle rebondit sur le bitume mais je n’ai pas le temps de tout voir, je ne réalise pas encore mon geste que me je me retrouve face contre le sol mouillé, un genoux appuyé dans mon dos. J’entends une voix qui me parle, qui me crie mais je ne comprends pas les mots ni les phrases, mon cerveau est bien trop embrouillé par ce qu’il vient de se passer. Une main me prend un bras puis l’autre et me les plie dans mon dos, je sens le métal froid des menottes contre mes poignets, je perçois deux clacs, et je suis soudain levé du sol comme si j’étais une plume soulevait par le vent.
Tout tourne autour de moi, des gens me regardent, d’autres sont affairés auprès d’un corps, des secouristes, mais au fond de moi je sais que j’ai réussi et qu’il ne pourront rien faire, dans ma colère et ma haine j’ai bien visé et je sais qu’un des balles a atteint la tête.
Je ne ressens rien, ni tristesse, ni soulagement. J’ai fait ce que j’avais à faire, j’ai atteint mon but, à présent je suis en paix avec moi-même, avec mes démons intérieurs. La porte de la voiture de police se referme, dehors les gens me regardent toujours, me jugent déjà, mais je m’en fous, ils ne savent pas, ils ne comprennent pas et ne pourront comprendre. Je suis libre enfin, libéré d’un poids qui me pesait…

Le plus dur reste pourtant a venir, le procès, mon procès pour homicide volontaire m’a dit mon avocat, et peut être meurtre avec préméditation. J’encoure une lourde peine, mais j’aurai peut être une certaine indulgence de la part du juge et des jurés. Seulement il faut que je raconte encore une fois mon histoire, ce que j’ai vécu. Je n’ai pas envie, que tout cela finisse au plus vite, je ne veux pas revivre ce cauchemar. Mais j’y suis obligé selon mon avocat, sinon c’est « perpet’ » comme il dit. Alors encore une fois je lui raconte pour qu’il retranscrive dans son ordinateur portable mes dires. Je dois m’arrêter pour aller vomir, comme à chaque fois que j’ai du la raconter. Il tape mécaniquement tous mes mots, mes phrases, on dirait presque un pianiste sur son clavier…seulement voila il n’y a aucun musique, aucune chanson, juste ma voix en fond sonore, ma voix qui parfois déraille sous le coup de l’émotion, ma voix que j’ai peine a reconnaître.
Je suis dans ma cellule, « mon » procès ne commence que demain. Je n’ai pas peur, je n’ai plus peur.
Tant de souffrance, tant de violence, je commence a regretter mon geste, je me dis que je n’aurai pas du, que demain j’aurai préféré être a son procès, l’affronter a l’aide de la justice.
Mais voila j’en avais décidé autrement. Je ne pouvais concevoir qu’il puisse vivre encore.
Oui j’ai sûrement tort, mais une puissance intérieure a dicté mon geste.

Le soleil se lever enfin sur une journée longue et épuisante. Je pars très tôt au tribunal, des journalistes sont déjà amassés devant les portes, a chercher une quelconque information.
Demain dans le journal il y aura ma vie étalée, les gens qui m’ont jugé à l’avance auront des remords ou peut être pas, je serai au centre de l’information pendant quelques temps, jusqu'à ce qu’un autre fait divers prennent le dessus et ainsi de suite inexorablement.
Me voila assis dans le box des accusés, jusqu'à ce soir ou j’ai appuyé sur la détente j’étais une victime…à présent j’étais un assassin, un meurtrier.
Est-ce quelqu’un comprendra mon geste permis les jurés ? Je l’espère, même si au fond de moi j’accepte ce que j’ai fait. Oui je vais tout dire, tout raconter du début jusqu'à la fin, jusqu'à sa fin.
Je me lève, mais je me rassois aussitôt mes jambes ne me tiennent plus, je suis fatigué.
Le juge me permet de rester assis, regardant fixement le plafond puis le sol, je regarde ma mère assise au 1er rang, d’un signe de la tête je comprends son soutien, son amour, sa volonté d’écouter une fois de plus mon cauchemar alors je prends une grande et profonde inspiration et je me lance dans mon récit.
D’un flot continue je raconte tout, toute mon enfance, mon cauchemar, son entrée dans mas vie, il était pour mes parents et pour mes proches le gentil voisin, le monsieur qui souriait tout le temps qu’il pleuve ou qu’il vente, dans le quartier il était apprécié de tout le monde, de tout le monde sauf de moi, j’avais 8 ans quand il a commencé ses atrocités sur moi, j’avais 16 ans quand j’ai déménagé pour partir loin de lui, 8 ans de souffrance, de violence, de cauchemar, de peur, de terreur, je ne trouve plus assez de mot pour exprimer ce que j’ai vécu, et je continue a parler, les phrases sortent toutes seules de ma bouche, par moment j’entends des oh d’indignation dans la salle, je n’y prête pas attention, je continue, j’explique pourquoi j’en suis arrivé la, pourquoi j’ai voulu sa mort.
Et je reviens sur la nuit fatale, lorsque je l’ai vu sortir de la maison ou je savais qu’il avait abusé de son nouveau petit voisin. Oui mon devoir aurai du d’alerter les autorités compétentes mais j’ai trop ruminé pendant ces années lorsque je me retrouvais seul dans ma chambre, lorsque je pleurait, lorsque je me réveillais la nuit en sueur après un énième cauchemar.
Non je n’étais pas fier de ce que j’ai fait, mais si vous saviez comme je me sens bien, comme je me sens léger, enlever de ce poids.
Je termine ainsi mon récit, un silence de plomb s’est abattu sur la salle, je vois des larmes coulaient sur plusieurs visages, je ne retiens plus les miennes depuis le début. Les membres du jury sont abasourdis par la violence de mes propos, le juge ne sait plus quoi dire.
Apres plusieurs minutes interminables le juge sort de sa torpeur, clôt la séance et met en délibération mon jugement.
Il est à présent bien trop tard pour exprimer quelques remords, il est de toute façon impossible de revenir en arrière. Mon avenir est derrière des barreaux, je n’en suis pas fier.

Le jury pénètre dans la salle, s’assoit, et donne un papier au juge. Je regarde ce petit bout de papier, dessus il y a écrit mon avenir. J’ai presque peur d’entendre le verdict, je veux partir, sortir, je me dis que si je ne l’entends pas je ne serai pas condamné, puisque je ne suis plus là, mais je me ressaisis, il n’est plus l’heure pour s’enfuir encore moins pour avoir peur.
8 ans…8 ans… le chiffre résonne dans ma tête, ainsi je serai enfermé pendant 8 ans…
Ironie du sort et de la vie, je vais une fois de plus souffrir pendant 8 ans….
Ma vie s’est terminé lorsque j’avais 8 ans, un jour peut être elle recommencera, un jour…


"Everyone dies. That's just the way it is"
"It's not so bad being dead like me..."
"On dit d'un avortement que c'est un meurtre, mais alors la masturbation c'est un génocide ! "
Et après on s'étonne que Jean-Marie.

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