carré vicieux, cercle ment songez

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she.night
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Enregistré le : 05 déc. 2003 23:23
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Message par she.night »

Dans un monde où l’on ne voit pas les couleurs,
Pourquoi ouvrir les yeux ?
Pourquoi ne vois-je pas vraiment d’intérêt à tout ce que j’entreprend…
J’aimerais pouvoir vous dire, Madame, que je suis un tant soit peu normal.
Mais je pense que la normalité n’a de normal que ceux qui s’y opposent.
Beaucoup de choses reposent sur la notion de normalité, mais celle-ci n’est rien, ce n’est qu’une subtile notion dont l’inintérêt n’a d’égal que son utilisation…
Lorsqu’un visage, indéfiniment dépeint, se reflète sans cesse, ainsi que la brûlure du soleil dans les yeux, lorsque tout mouvement accoutumé, troublé par l’ennui, cesse brusquement, alors on pense vivre, et pourtant, la seule raison est la pensée de ne plus en avoir.
Sous l’effet de quelque alcool, on pense avoir l’esprit suffisamment enivré par un sentiment autre que le pessimisme habituel pour pouvoir surmonter cette insuffisance chronique de mots.
Pourquoi vouloir garder l’esprit clair, puisque quoiqu’il se passe, il ne le sera jamais.
Quoiqu’il en soit, à moins d’être Virgile, Flaubert, ou encore Baudelaire, il est impossible de décrire, d’écrire.
Madame, je rêve constamment. Je rêve tout (et non « de tout », puisque je ne rêve de rien).
Je rêve de situations, je rêve de discussions… Madame, je rêve constamment… Je vis de ces rêves, je vis dans ces rêves.
J’aimerais vous raconter tant de choses, j’aimerais vous raconter tant de choses. Pourtant l’intimité me caractérise mieux que l’extimité...
Mais de ces rêves, le réveil est brutal…
Les drogues apaisent, ont cet effet magique de faire vivre… Mais elles entraînent la mort. Les rêves sont ma drogue. Les rêves m’apaisent, ont cet effet magique de faire vivre… Ils n’entraînent pas la mort.
Ils laissent leurs victimes jetées contre la réalité, contre ce qu’elles n’ont jamais vécues, contre leur vie, mais pas dans leur vie.
Les rêves se laissent consommer sans modération, puisque l’overdose n’est que la menace du réveil, qui rend le sommeil possible, et donc réapparaissent les rêves, sans jamais interrompre leur marche vers la destruction de l’esprit. Ils sont juste en avance de quelques leurres.
Rester seule, avoir besoin moment de solitude, a bien des avantages...
Mais également un gros inconvénient : celui de se retrouver seul face à son esprit. (Sentir que le corps et l'esprit sont séparés, alors qu'ils devraient ne faire qu'un. Penser... Se souvenir... Revoir des images et entendre les mêmes paroles. Puis les imaginer, et toujours les rêver, jusqu'à ce que la différence entre rêve et réalité ne soit plus perceptibles par l'esprit...
Je ne veux pas faire comme tout le monde, pas par esprit de négation, ni de démarcation, mais juste pour ne pas me sentir suivre une mouvance, une mode, et pourtant c'en est une que je suis malgré moi, alors je laisse tomber tous ces calculs, ces détails que je m'efforce d'accomplir afin d'essayer d'être libre. Je, jeux. La vie est un jeu, les règles paraissent compliquées, et pourtant elles n'existent pas...
Il n'y a pas de but à ce jeu : certains pensent que c'est l'obtention du bonheur, mais il n'existe pas. D'autres pensent que c'est une vie réussie et longue, pourtant, pour certains une vie abrégée est un saut vers un quelconque bonheur.
Carpe diem, mais comment ? Certains instants méritent d'être vécus, alors on les vit, on les sourit, on s'en rappelle, puis on les pleure.
Alors oui, carpe diem, oui profitons, mais tout en sachant que tout cela n'est qu'illusion, mais que justement, l'illusion caractérise la vie.
Pas d'alinéa, la vie n'en a pas. Pas de lignes sautées, juste quelques retours.
Des retours, justement il n'y en a pas. Je vous entend de là : "Il faut aller de l'avant". Ah ouais ? Et comment aller de l'avant si on marche à reculons ?
On ne peut pas toujours tourner les talons... Alors on reste là, attendant ces retours, mais qui appartiennent au passé, qui appartiennent à ces rêves.
Sous l'effet de quelque alcool, on pense avoir l'esprit suffisamment fou pour réussis à tout écrire. Mais alcool n'y fait rien, pas plus que la fatigue, pas plus que les larmes. Le palais brûle, on ne veut pas avaler, on veut garder cette chaleur avec soi, cette sensation qui anesthésie tout, cette sensation d'enfin partir ailleurs. Mais on finit par avaler, parce que tout un jour ou l'autre, ce qu'on commence doit être fini, parce qu'un jour ou l'autre, il faut accepter ce qu'on nous propose, se taire, et avaler, pas de travers.
Se taire, tout accepter, dire oui, acquiescer, être rangé, rester rangé, est-ce cela ce qui m'attend ? Dans ce cas, je préfère ne pas grandir.
Je peux encore dire "non", me lancer dans des grands débats philosophique ou politiques en ne cherchant ni la vérité ni la raison, avoir des avis sur tout en ne connaissant pas le quart du sujet.
Je peux encore croire, espérer, crier, parler, rêver. Je n'ai aucune déontologie à respecter de ce côté-là, aucune vraie obligation, aucun dû à personne.
J'ai du mal à écrire, j'ai du mal à vivre. La politique de l'autruche ne m'interesse pas : je ne veux pas m'en aller.
Cercle vicieux, contradictoire. Carré plutôt : des coins contre lesquels on se heurte, des coins contre lesquels faire demi-tour est un acte impossible.

Carré vicieux, cercle ment songez.


Voilà, c'est tout.


" les optimistes écrivent mal " - Paul Valéry -

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