paris, 1930

Postez ici vos oeuvres "100% Indo"
Verrouillé
solitaire
Messages : 16
Enregistré le : 18 juin 2004 15:46
Localisation : 64

Message par solitaire »

Paris, 2h du matin, 3 novembre 1930.

C’est la chair qui écrit aujourd’hui. C’est la chair qui vous écrit aujourd’hui, Monsieur. Ma main n’est plus qu’un automate. Mon corps lui dicte ses envies. Mon corps anesthésie ma raison. Et mon corps, et mon corps est à vous. Est à vous pour ce soir. Monsieur, si vous le voulez bien. La passion me brûle. Je ne m’en sortirai pas. Vous le savez bien Monsieur. Depuis des heures je suis fiévreuse. Notre rencontre sur le pont. Monsieur, cela vous hante encore, je le sais bien. Monsieur, rappelez-vous. Monsieur, ne rougissez pas. Monsieur, ne détournez pas le regard. Monsieur, souvenez-vous.
Je me souviens. C’est terrible. C’est terrible comme je me souviens. Madame, je n’ai pas oublié. Ce souvenir me hante. Me hante depuis des jours. Me hante depuis des nuits. Je ne dors plus Madame. Mes nuits et mes jours sont pour vous. Mes nuits blanches les plus secrètes. Elles seront toutes à vous madame. Mais ma chair résiste madame. Mon âme me hurle de vous étreindre. Mon corps s’impatiente. Mais Madame, la raison. Vous êtes mariée Madame.
Un mariage malheureux, Monsieur. Un mari fou. J’étais devenue transparente. Je n’étais plus qu’une ombre. L’ombre de moi-même. Et puis cette nuit-là. Notre rencontre sur le pont. Monsieur, j’y étais venue me suicider. Je devais couler dans le fleuve. Monsieur, pourquoi étiez-vous là ?
Je regardais l’eau couler Madame. J’aurais dû me jeter avec vous. Pourquoi ? Pourquoi vous avoir tendu la main ? Avoir vu votre visage ? Les larmes qui roulaient sur vos joues. J’aurais bu au creux de vos yeux. Vous étiez si belle dans la nuit. Je n’ai pu m’en empêcher.
Un baiser. Monsieur étiez-vous fou aussi ? Juste ce baiser offert. Et mon corps en réclame plus. Et mon corps ne dort plus. Monsieur, rejoignez-moi cette nuit. Je vous attendrai sur le pont. Oh Monsieur je vous ferai l’amour. Nos corps humides. Monsieur, votre peau sur la mienne ? Oui, et nos âmes égarées. Je veux bien être infidèle. Pêché de chair avec vous.
Madame, votre mari sais tout. Il nous tuera sans doute. Profitons de notre dernière nuit. Notre unique nuit. Après je vous prédis une belle mort. Ensemble nous sauterons du pont. Madame, vous êtes mon égarement.
Mon mari a essayé de me retenir. Il m’a défendu de vous retrouver. Je ne le verrai plus Monsieur. Après ce soir, tout sera fini.
Non, Madame. Tout est déjà fini. Regardez le fleuve qui renvoie nos images. Tout est déjà fini.

Le papier tombe à terre. Les deux amants sautent du pont. Les deux amants tombent dans le fleuve. Et puis les deux amants sont morts.
Le papier est toujours par terre. Les deux amants étaient muets. Alors les deux amants avaient écrit. Ecrit sur le papier leurs derniers mots.
Le papier est toujours par terre. Il a un peu jauni avec le temps. Un petit garçon est sur le pont. Le petit garçon voit le papier. Il veut l’attraper. Il veut le lire. Ses petits doigts agrippent le papier. Et au moment où le petit garçon déplie la feuille, le vent se lève. Une violente bourrasque arrache le papier des mains de l’enfant. Et le papier virevolte doucement. Et le papier se pose sur le fleuve. Doucement le petit enfant regarde le papier s’éloigner sur le fleuve.

Fin.


La vie est une pute, tu dois payer pour le peu de plaisir qu'elle t'offre...

Verrouillé