Je me souviens...

Postez ici vos oeuvres "100% Indo"
Verrouillé
Setsuko
Messages : 11
Enregistré le : 14 oct. 2002 21:25

Message par Setsuko »

Juin. 17 ans. Terminale L. Soleil. Salle surchauffée. Deroxat, Atarax, Athymil. Flirt.

C’est dingue comme je me souviens de tout.

Des cris mêlés aux sanglots de ma mère. Moi téléphone collé à l’oreille, calé à l’épaule. Éclats de rire. Insouciante et encore fraîche d’un premier french kiss avec lui, mon nouvel homme, tout beau, tout propre sur lui. Corps parfait, sourire nickel.
Raccrocher. Urgence. Ouvrir la porte et demander, totalement flippée.
Voir ma mère balbutiant une sorte de soupe de mots. Incompréhensible. Rouge de trop pleurer.
Et mon père qui me jette un « Ton oncle est mort ». Pleine face. Uppercut dans la gueule.
La nouvelle s’imprime pas tout de suite dans mon cerveau, alors du tac au tac, je balance: « Lequel? » et là, KO final. Mon oncle, le seul en tout cas, que je considère comme tel, G., vient de s’éteindre. Pour de vrai. Et là, pour le coup, j’imprime. Plutôt deux fois qu’une.

Je me souviens. De la douleur atroce. Fulgurante. Celle qui te fait remonter tes tripes dans la gorge. Te déglingue l’estomac tant ça retourne.
Me rappelle m’être écroulée, ivre de douleur et de rage. Avoir hurlé à la mort. Avec mon père qui m’intime de me taire. Et moi de lui répliquer, dans une sorte de dernier souffle, un « Va te faire foutre, c’est de MON oncle dont il s’agit! Alors fuck, à toi, aux voisins, je vous emmerde tous! ».
Je m’écroule. M’accroche, comme je peux, à l’encadrement de ma porte. Et rampe. En hurlant.
Je n’ai jamais, ô grand jamais, connu de douleurs plus intenses, si vives. Façon « je t’arrache le cœur et le broie dans ma main ».
Malgré tout, je me souviens avoir relevé la tête, pris mon courage à deux mains, puisé mes dernières forces, et téléphoné à mon cousin, celui qui squatte officieusement la place de frère, S. Le seul que j’étais prête à entendre. Je lui passe le relais: prévenir le reste des cousins, mais surtout Mamie. J’ai fait mon boulot. Je peux lâcher prise totalement. Le roseau plie, se brise une dernière fois et meurt dans un cri venu d’outre-tombe.

Je crois bien avoir hurlé toute la nuit et pleuré des semaines entières. État d’errance. Jour et nuit. Non-stop. Coma éveillé. Marcher sur la pelouse, pieds nus. Ne rien sentir. Ni l’herbe mouillée, ni les petits cailloux qui se mettent sous les pieds.
Se terrer dans ses souvenirs. A la recherche de son souffle. De son rire. De sa voix. Pour ne rien oublier.

Perdre les pédales. Être un zombie.
Ces expressions ont pris un vrai sens ce jour-là.


Geri'Power!

Verrouillé