Fanfic Alice et June - La reine rouge

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camite
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Message par camite »

M'sieurs dames,

Voici une fanfiction inspirée d'Alice et June (le disque). Comme c'est un peu long et que la lecture sur écran est douloureuse pour certains, vous pouvez me contacter par MP pour la recevoir en fichier Word, mieux mise en page et plus facile à imprimer.

Bonne lecture !


LE JOUR DE LA SAINT-VALENTIN

La sonnerie retentit, annonce la fin de la journée et libère les élèves de leur séance de dissection. Tu as trouvé ça plutôt amusant d’explorer une blatte à défaut d’autre chose, mais comme tous les jours tu n’es pas fâchée d’en avoir fini. Tu ranges tes affaires et mets ton sac bleu sur le dos. Pas vraiment de mots échangés avec tes camarades qui piaffent toutes à l’idée de sortir avec tel ou tel garçon pour ce soir, alors que la plupart se retrouveront bien sûr toutes seules. Tu désires pourtant la même chose qu’elles, tu le sais sans trop vouloir te l’avouer mais refuses de jouer ce jeu de poupées grandeur nature.

Par politesse, tu salues quelques filles avant de t’éloigner. Tu prends la direction de ta maison et dans le quartier bourgeois qui te sert de chemin, tu passes devant la vitrine d’une pâtisserie. Aujourd’hui, elle expose de gros gâteaux en forme de cœur. Tu vois toute cette crème rose et rêves d’en acheter un pour toi toute seule. Un garçon arrive alors à ton niveau. Tu aperçois son reflet dans la vitre et sursautes même un peu. Il t’a effrayée à apparaître comme ça d’un seul coup. Mais tu te reprends, et constates qu’il tient un bouquet de fleurs. Tu t’apprêtes à te retourner et à lui montrer ton plus beau sourire bagué, mais le garçon a déjà repris sa marche sur un chemin que tu ne connais pas.

Tu poursuis ta route et manques de t’étouffer devant un restaurant dégoulinant de ballons rose. Tu méprises ce jour et la terre entière pendant que tu y es, arrives chez toi et montes directement dans ta chambre. Tu te précipites sur l’ordinateur et consultes tes e-mails dans l’espoir d’y trouver une brûlante déclaration d’amour. Rien de la sorte au milieu des habituels messages en anglais à propos de documents sensationnels à télécharger immédiatement. Tu trouves injuste qu’aucun garçon n’ait envie de sortir avec toi et de t’embrasser, alors tu descends dans la cuisine, ouvres le frigo et en sors plusieurs pots de crème fraîche, boîtes de gâteau à la crème pâtissière et crèmes glacées au chocolat que tu disposes par terre. Tu t’assieds sur les fesses, les jambes écartées, devant ton imposant goûter et ingères l’ensemble.

Lèvres grasses et yeux mouillés, tu remontes dans ta chambre et remarques sur l’écran de l’ordinateur l’icône annonçant un nouveau message. « Bonjour, je suis ton prince charmant. Je dois venir chez toi ce soir, tu te souviens ? Alors laisse bien la fenêtre de ta chambre ouverte, à bientôt ». Tu lèves les yeux au ciel en te disant que si le prince charmant doit vraiment venir ce soir, il sonnera à la porte comme tout le monde, vu que tes parents ne sont pas là. Tu laisses tomber ce mail idiot et te connectes à ton blog. Tu racontes ta journée dans un nouveau message, parles de ton amour naissant pour Flaubert et pour tout ce qu’il arrive à mettre dans un livre. Tu conclues en souhaitant « devenir le meilleur écrivain du monde ».

Tu lis ensuite des blogs au hasard, te nourris un temps des histoires intimes de jeunes filles persuadées d’avoir de gros problèmes dans la vie et te sens un peu moins seule. Tu admires celles qui achèvent leur blog en révélant qu’elles vont se suicider et songes à les imiter, et tant pis pour ta religion. Tu te détournes de la chaise et t’agenouilles sur le côté du lit, joins les mains et poses le front dessus. Tu t’adresses à Oh Ton Dieu et lui demandes de changer ta vie. Puis tu retournes à la cuisine, en reviens avec d’autres réserves caloriques et les ingurgites. Tu te demandes en avalant et en pleurant si des gens ont déjà réussi à se suicider en mangeant trop.

Un haut-le-cœur te surprend et tu cours aux toilettes par réflexe. Tu vomis sans élégance, un peu dans la main avant d’atteindre la cuvette, tâchant tes cheveux bruns qui pendent au-dessus de l’eau acidifiée par la nourriture en décomposition. Pendant le rejet, tu tapes des poings sur le rebord, laisses échapper des « putain ! » qui envoient gicler les corps étrangers un peu plus à côté. Tu souffles, râles, craches, te redresses et appuies les coudes sur la cuvette. Doigts croisés sous le menton et regard vers la lampe, tu pries Ton Dieu pour que quelqu’un vienne te sauver, puis t’évanouis sur le sol carrelé.


AU REVEIL

Tu reviens à toi et sens cette horrible odeur t’agresser les narines. Tu te relèves et tires la chasse d’eau, vaporises un produit à l’odeur synthétique de roses avant de sortir. Sur l’ordinateur, dans ta chambre, une fenêtre de chat cache le centre de ton fond d’écran évanescent. Tu tires la chaise de bureau pour t’installer devant la machine, et lis le message instantané de May : « salut ! » - « salut on se connaît ? » - « j’ai lu ton blog et j’ai beaucoup aimé le style » - « ah merci » - « j’ai vu que tu étais sur MSN » - « ok dis je peux t’appeler June ? » - « pourquoi ? » - « ben May ça me rappelle un film d’horreur que j’ai vu j’aime pas bien » - « ok si tu veux tu aimes bien ce prénom non ? ;) » - « ben c’est ce qui vient après sur le calendrier » - « c’est vrai lol et toi alors comment je peux t’appeler ? » - « Alice » - « comme alice au pays des merveilles ? ;) » - « Alice au pays des cauchemars plutôt ».

« je fais des cauchemars qui deviennent vrais » - « comme des rêves prémonitoires ? » - « oui c’est terrible » - « par exemple ? » - « des accidents de voiture des choses comme ça » - « waou comme dans ce film où un mec échappe à la mort en sortant d’un avion avant l’accident » - « c’est pas moi qui meurs enfin des fois je rêve que je suis sous l’eau et que j’arrive pas à remonter mais ça m’est jamais arrivé » - « tu dois avoir peur de l’eau alors » - « non ça va » - « de quoi t’as peur toi ? » - « de devenir comme mes parents » - « tu les aimes pas ? » - « si mais je veux pas vivre comme eux » - « ils font quoi ? » - « mon père est chef d’entreprise dans les produits laitiers et ma mère a été mannequin » - « elle doit être belle alors » - « elle est mannequin quoi ils ont beaucoup d’argent mais j’ai l’impression qu’ils ont plus aucun rêve je veux pas être comme ça » - « tu rêves à quoi toi ? ».

« je m’ennuie tellement à l’école tous ces petits cathos fils de bourges m’écœurent tellement » - « t’es en lycée privé ? » - « oui j’étais trop mauvaise en cours » - « te plains pas moi je suis dans un lycée de banlieue classé zone prioritaire » - « ben au moins tu dois t’amuser » - « oui c’est vrai mais les cours m’ennuient aussi il faut attendre les plus retardataires qui vont pas dans les lycées privés ;) » - « ouais bah je vais me suicider comme ça ça libèrera une place » - « lol dis pas ça » - « et pourquoi pas ? tous les soirs je m’endors en souhaitant ne jamais me réveiller ! j’aimerais tellement que quelqu’un comme moi arrive dans mon lycée et qu’on parte ensemble » - « t’as pas de copain ? ;) » - « pfff non ».

« t’as des photos de toi ? » - « oui pourquoi ? » - « ben j’aimerais bien voir à quoi tu ressembles » - « ok tu m’en envoies aussi ? ». Tu double-cliques sur les dossiers pour atteindre les photos numériques que tu souhaites envoyer à ta nouvelle amie. Tu reçois les siennes. Elle porte les cheveux blonds, les yeux bleus et s’habille souvent de rouge, à moins que les photos n’aient été toutes prises le même jour. Tu écris « ouh ! canon ! » - « toi aussi tu es bien ;) » - « tu rigoles ! t’as vu comme je suis grosse ! » - « bah moi je suis toute maigre » - « j’aimerais bien moi aussi » - « donne-moi de tes kilos alors » - « lol » - « en tout cas t’as de beaux yeux verts ».

« c’est bête qu’on puisse pas se rencontrer vraiment » - « pourquoi pas ? » - « on habite pas la même ville » - « ça empêche rien on fait bien connaissance ce soir non ? » - « ben j’aurais aimé t’inviter chez moi te montrer ma chambre » - « je pourrais peut-être venir par les portes du soir » - « les portes du soir ? » - « oui mais c’est à toi de les ouvrir ». Tu repenses à cet e-mail que tu prenais pour une mauvaise blague. « Bonjour, je suis ton prince charmant. Je dois venir chez toi ce soir, tu te souviens ? Alors laisse bien la fenêtre de ta chambre ouverte, à bientôt ». Tu flottes un instant entre le bureau et la fenêtre, t’en approches en fin de compte. La fille des photos surgit soudainement devant ta face stupéfaite. Tu en tombes à la renverse, crois halluciner. Tu t’agrippes tant bien que mal à la table et écris sur les touches. « June ? » - « oui lol ? ». Tu reviens vers la fenêtre et l’ouvres pour regarder au dehors déjà sombre. Rien. Sans prendre le temps de refermer, tu retournes à l’ordinateur. « June t’es où exactement ? ». Tu attends la réponse quelques secondes mais rien ne s’affiche dans la fenêtre.

Tu entends une voix claire. « Je suis là, derrière toi ! ». Tu te retournes immédiatement. La fille des photos se tient assise sur ton lit. Les mêmes cheveux blonds et les mêmes yeux bleus, une robe rouge vif qui s’arrête au dessus des genoux et des bottes de cuir noir. Un Apple portable repose sur ses cuisses. « Comment t’es rentrée ?! » - « Par la fenêtre bien sûr ! ». Tu t’aperçois que tu l’as laissée grande ouverte. « Mais j’étais en train d’discuter avec toi, là ! » - « Oui et moi tout autant ! ». Elle caresse les bords de l’écran lumineux en souriant. « J’ai des gigas de sexe sur le disque dur de mon Mac, cela te dirait d’en regarder un peu ? ». Tu n’en reviens pas. « C’est quoi ? D’la magie ? Une blague ? La caméra invisible ? ». Elle rit. « Non ! C’est l’Internet sans fil ! » - « J’comprends pas. » - « Tu ne te souviens pas ? La promesse, rendez-vous dans dix ans jour pour jour, voir si nous sommes toujours debout. Et bien, me voilà ».


DANS TES SOUVENIRS

Tu as sept ans. Ta maman dit souvent que tu pèses trop lourd pour ton âge. Tu te rends compte que par rapport à elle, bon nombre de filles dépassent le poids dit normal. Mais tu sais aussi que ton comportement pose problème. Tu manges beaucoup, en cachette, mais tes parents ont compris et décidé de t’envoyer dans une clinique spécialisée. Tu attends donc dans un couloir, allongée sur un lit roulant, que des hommes en blouses blanches t’emmènent dans une chambre. Un autre lit à roulettes se gare à côté du tien. Une fillette, blonde aux yeux bleus, bascule la tête sur l’oreiller et regarde dans ta direction.

« Bonjour, tu es nouvelle ici ? Je t’ai jamais vue. » - « Oui, je suis arrivée aujourd’hui. » - « Comment tu t’appelles ? » - « Alice, et toi ? » - « June. » - « T’es là parce que tu manges trop toi aussi ? » - « Non, moi je suis là parce que je mange pas assez. » - « T’as pas d’argent ? » - « Non, c’est moi qui décide. » - « Mais pourquoi ? » - « Je peux te dire un secret ? » - « Oui. » - « Je crois que mon papa m’a fait des choses bizarres. » - « Des choses bizarres ? » - « Oui, j’ai honte. » - « Qu’est-ce que tu dis ?! » - « Au moins ici je peux me concentrer sur mon corps. » - « T’es bizarre. » - « Et toi alors, t’es pas bizarre à manger trop ? T’es grosse ! »

Tu pleures d’entendre la fille aux cheveux blonds te traiter de grosse. Son regard se radoucit. « Non, pleure pas ! Pardon ! » - « Je suis pas grosse ! » - « Si mais tu vas guérir ! ». Tu continues de pleurer en attendant de te réveiller de ce cauchemar. « Alice, j’te promets que tu vas guérir. On va guérir toutes les deux et on se retrouvera, d’accord ? Promets-moi que dans dix ans jour pour jour on se retrouvera, pour voir si on est toujours debout. Tu promets ? »


TROU NOIR

Tu regardes cette fille qui sourit tranquillement sur ton lit. « J’suis toujours debout, mais j’suis pas sûre d’avoir guéri. » - « Je suppose que s’ils nous ont laissé sortir, c’est qu’ils nous pensaient guéries. » - « Bon et mon prince charmant alors, il est où ? ». June rit et se lève enfin. « Je ne suis pas un bon prince charmant moi ? ». Tu pouffes, un peu exaspérée. « T’es une fille ! ». Elle tourne autour de toi. « Le prince charmant, de toutes les façons, cela n’existe pas ! » - « Pourquoi tu dis ça ? Méchante ! » - « Reste bien calme la grosse, ne t’énerve pas. » - « Et tu m’traites de grosse maintenant ! De mieux en mieux ! ». Tu laisses des larmes sortir de tes yeux, caches ton visage de tes mains. « Oh, pourquoi t’es venue m’dire ça ce soir ?! Méchante ! J’voudrais qu’tu sois jamais venue ! ».

Tu retires les mains, ouvres les yeux brouillés par le liquide lacrymal. Ce que tu distingues avant de recouvrer pleinement la vue t’effraie. « June ? ». Le lit ne supporte plus rien ni personne. Tu agites la tête dans toutes les directions. « Juuune ?! ». Tu te baisses mais ne la trouves pas sous le lit. Tu ouvres ton armoire mais ne la découvres pas derrière les vêtements, bleus pour la plupart. Tu franchis la porte de la chambre. « Juuuuuneuh ! C’est pas drôle ! ». Tu reviens sur tes pas, t’étales sur le lit et pleures à nouveau. Après de longues minutes, tu te redresses, marches vers la fenêtre encore ouverte et grimpes sur le rebord avant de sauter.


LA PROMESSE

Tu te sens un peu bête d’avoir pensé te suicider en sautant du premier étage. Tu as juste réussi à te faire mal en tombant. Tu grimaces en bougeant un peu, penses que tu passes la pire journée de ta vie. Au son d’une voix claire, tu regagnes toute ton attention. « Alice, je ne suis pas du tout contente ». Tu écarquilles les yeux, l’image se défloute progressivement. June avance vers toi, s’immobilise, les mains croisées derrière le dos. Elle affiche toujours le même sourire malgré ce qu’elle prétend. « Comment as-tu pu penser te suicider comme cela ? Et sans moi, de plus ! » Tu repleures un peu, réalises seulement maintenant que le sol regorge d’eau. « Rentrons, tu risques d’attraper froid. » - « Mais j’ai mal ! ». Elle s’agenouille à côté de toi et tu remarques un flacon dans sa main. « Cela te guérira ».

Tu t’allonges sur le lit, June s’assied à côté de toi. « Pourquoi t’es partie ? » - « Tu as souhaité que je ne sois jamais venue. » - « Mais j’le pensais pas ! » - « Je l’espère ! Tiens, pour que cela n’arrive plus, je te promets de rester avec toi jusqu’au bout. » - « C’est vrai ? Jusqu’au bout, à la vie comme à la mort ? » - « Oui, nous partirons ensemble, quand tu le voudras. » - « C’est merveilleux, on pourrait l’faire en Norvège, comme dans c’te pièce que j’ai vue. » Son regard croise ton horloge à coucou. « Je dois m’en aller, il est bientôt minuit. » - « Quoi ?! Mais tu viens d’me promettre que… » - « Je reviendrai demain, je te le promets ».


DEMAIN

Tu as laissé June partir avant de t’endormir pour rêver d’elle. Lorsque le coucou a sonné ce matin, tu as ressombré dans le sommeil pour la rejoindre encore quelques instants. Du coup, tu as présenté un billet de retard en arrivant en cours. A la récréation de dix heures, des filles papotent non loin de toi. « Toi aussi, t’as reçu c’mail ? » - « Paraît qu’c’est une blague pour s’introduire chez les gens et les cambrioler ». Tu fumes ta cigarette tranquillement sans chercher à te mêler à la conversation. Tu te moques intérieurement de ces filles ignorantes qui ne comprendront jamais et penses à June.

En cours d’allemand, tu ne comprends rien à ce que déblatère la prof, mais à vrai dire tu n’essaies pas trop. Un garçon idiot te donne une tape derrière la tête mais tu ne la sens même pas. Tu penses à June, graves son nom dans le bois de la table, puis le tien devant. Tu relèves un peu la tête. Autour de toi, tout le monde porte des vêtements rouge vif et des bottes de cuir. Tu te redresses complètement et vois tous leurs visages, différents et pourtant interchangeables. Tu baisses les yeux sur la table. « Alice & June ». Tu remontes le regard, tombes sur les tenues de tous les jours, uniformisées par les marques plus que par l’école. Tu pivotes le cou vers ta voisine, retiens un petit cri en apercevant les cheveux blonds, les yeux bleus et le sourire de June. « Mademoiselle Liddell ! ». Tu ne sais pas répondre à la prof mais ta voisine te souffle. « Nous sommes des héros ». La vieille femme reprend son discours. Tu remercies la jeune fille qui arbore à nouveau des cheveux frisés et des yeux bruns.

A la cantine, tu expédies ton repas (salade de tomates, viande saignante et pamplemousse rose) avant de t’enfermer aux toilettes dont tu ressors une demi-heure plus tard toute essoufflée et le visage rougi. Tu allumes une cigarette avant la sonnerie de quatorze heures. Les cours de l’après-midi t’assoupissent à plusieurs reprises. Tu imagines d’abord une colline verdoyante que des dizaines d’oursons rose dévalent. Puis tu comprends la raison de leur empressement lorsqu’émerge de l’horizon un ourson semblable mais dix fois plus grand, un lance-flamme à la patte. Tu aimerais sauver les oursons mais trop tard, le killounours massacre tout.

Dans une autre rêverie, tu défiles sur un podium dans de superbes robes, public et photographes ébahis. Mais quand arrive le moment de saluer tout le monde, tu entends une voix crier « Ouh ! Elle est énorme, regardez ! ». Tu défailles, balades tes yeux sur l’assistance qui commence à chuchoter peu discrètement, afficher des airs de dégoût voire exploser de rire en te pointant du doigt. Tu te replies vers les coulisses en courant, bouscules les gens sur ton passage et renverses à peu près tout ce que tu croises. « C’est pas ma faute ! C’est pas ma faute ! J’ai trop grandi ! Oh Mon Dieu ! ». Tu finis par entrer dans une pièce pleine de filles terminant les préparatifs de leur défilé. Toutes de noir vêtues, dans le plus pur style gothique. « Regardez les filles, ça doit être le repas. » - « Excusez-moi, j’me suis trompée ». Tu tentes de sortir mais butes sur une porte verrouillée. Tu forces un peu, entends des pas talonnés derrière toi. Apeurée, tu te retournes. Toutes approchent en te fixant de leurs yeux noirs. La meneuse sourit et révèle des canines particulièrement longues et pointues.

La sonnerie de cinq heures te sauve. Tu rassembles tes affaires et files chez toi.


CE SOIR

Tu regardes les photos de June sur l’écran de l’ordinateur. Tu as fermé la porte de la chambre pour que tes parents ne te dérangent pas. Tu as mis ton blog à jour et attends impatiemment sa venue promise. A dix heures, l’aiguille de l’horloge à coucou s’emballe. Tu sautes de la chaise pour aller ouvrir la fenêtre. June montre sa blondeur et son regard bleu parfait. Elle enjambe le rebord puis dépose une bise sur chacune de tes joues. Tu rougis un peu. Elle projette ses grands yeux bleu profond dans tous les coins de la pièce, sourit. Comme toujours en fait. « Tu collectionnes les bougies ? ».

« June, j’ai réfléchi aujourd’hui et… » - « Oui ? » - « Pourquoi est-ce qu’il faudrait mourir ? J’veux dire… » - « Quoi ? » - « Mourir ensemble, ça doit être une aventure formidable, bien sûr, mais… pourquoi on essaye pas d’vivre plutôt ? » - « Vivre, cela est une chose extrêmement compliquée, tu le sais ? » - « Oui mais, avec toi j’suis sûre que ça m’semblerait tout d’suite moins compliqué ». Elle rit doucement, en regardant ses pieds. « Il y a une chose dont je ne t’ai pas encore parlé. » - « C’est quoi ? » - « Le pays de l’eau rose ».

« Le pays de l’eau rose ? C’est quoi ? » - « La vie est sale tu sais, un vrai monde de fous, moi je te le dis. » - « J’sais bien mais t’es là toi. » - « Comment peux-tu en être aussi certaine ? ». Tu ne comprends pas très bien où elle veut en venir. Tu sens les muscles de ta gorge se contracter. « June, jusqu’à hier soir j’détestais ma vie. J’suis grosse, j’aime pas l’école, j’ai pas d’amie et aucun garçon m’a jamais embrassée. Mais y a toi et c’est comme si tout avait un sens ». Tu rentres le menton vers le cou, laisses de l’eau s’échapper par les contour de l’œil. « T’es tellement belle, tellement comme moi j’voudrais être ». Tu renifles. Elle s’approche. Te prend entre ses bras et tire ta tête contre sa poitrine de fille manquée, te caresse les cheveux.

« Les grandes personnes mentent sur la mort parce qu’elles ont besoin de nous, en réalité. Elles ont besoin que nous travaillions à leur place, que nous soyons là pour marquer leur réussite. Elles disent qu’elles nous aiment mais cela est faux. Mourir, cela n’est pas si terrible. Bien au contraire ». Tu écoutes June parler de sa voix naturellement claire et joyeuse. « Je te promets que nous le verrons ensemble, le pays de l’eau rose. » - « C’est où le pays de l’eau rose ? » - « Là où je termine et où tu commences. En bas de la falaise, enfermé dans un sépulcre, en ce royaume près de la mer. » - « Et qu’est-ce qu’il y a de si spécial dans c’pays ? » - « Des jardins, de beaux jardins paisibles, où les gens vont terminer leur existence. » - « C’est l’paradis ? » - « Si tu veux. En te baignant dans l’eau rose qui traverse ces jardins, tu oublies tous tes mauvais souvenirs, tous les visages désagréables et les froncements de sourcils. Tu ne gardes que le meilleur et les gens que tu aimes. » - « Ça doit être merveilleux d’se baigner dans l’eau rose ».

Elle caresse toujours tes cheveux alors que ta joue appuie désormais sur ses cuisses, posées sur le lit. Elle te soulève par les épaules, t’adresse droit dans les yeux : « J’ai envie de jouer, cela te dit ? » - « A quoi ? » - « Tu vas voir. Laisse-toi faire d’accord ? ». Elle maintient ton regard, sourit évidemment. Elle enlève ton pull puis ton t-shirt, dégrafe ton soutien-gorge avant de t’allonger sur le lit. Elle se lève, va chercher quelques unes des bougies que tu avais allumées avant son arrivée. Elle les pose sur la table de chevet, s’assied à cheval sur tes hanches, en choisit une qu’elle élève au dessus de ta poitrine. Souriant toujours sans cligner des yeux, elle verse délicatement la cire sur ta peau. Tu pousses un gémissement à cause de la sensation. Elle continue à te faire mal et tu réalises à quel point tu adores ça.

« Tu as des ciseaux ? » - « Heu, oui, dans l’pot à crayons sur mon bureau… mais, pourquoi ? » - « J’ai envie de te couper les cheveux. » - « T’es sûre ? ». Elle s’élance vers le bureau en rigolant, attrape la paire et tire la chaise en t’invitant à t’assoir. Tu t’installes. « Alors mademoiselle, qu’est-ce que je vous fais aujourd’hui ? » - « Euh… quelque chose pour faire hurler mes parents ! ». June s’applique alors à te raccourcir l’ensemble des cheveux à ras, à l’exception d’une mèche en haut du front qui tombe le long de ton visage en recouvrant un œil. Elle s’en va décrocher un miroir du mur et te montre son travail. « Trop bien ! ».

« Je dois partir, il est bientôt minuit. » - « Oh non ! Reste ! » - « Je ne peux pas, mais j’ai mieux à te proposer. Nous pouvons nous retrouver demain matin et partir au bord de la mer. » - « C’est vrai ? Génial ! »


SAMEDI

Tu as quitté ton lit tôt ce matin, préparé quelques affaires puis attendu que tes parents sortent en courses pour quitter la chambre. Tu as laissé un mot sur la table de la cuisine. « Je passe le week-end chez une copine pour travailler un dossier ». A l’approche de l’arrêt de bus, tu distingues les beaux cheveux blonds de June et ses deux grosses billes bleues qui ne se ferment jamais, sa jolie robe rouge vif et ses bottes montantes. Elle se tient bien droite, un petit sac de voyage à la main. Elle sourit en te voyant, te dit bonjour de sa main libre. Le bus (davantage un car, en vérité) arrive quelques minutes après. Vous montez et achetez deux titres de transport pour jusqu’à la plage.

Malgré la saison, beaucoup de personnes se promènent sur le sable et profitent du temps doux. Vous les observez, assises sur les fesses. Tu concentres ton attention sur un jeune homme certainement pas déplaisant qui joue au ballon avec d’autres garçons et filles de son âge. Tu sens à peine June pencher la tête vers toi. « Fais attention, tu souris bêtement. » - « Hein ? Ah bon ? » - « Remarque, je te comprends, il a l’air sacrément bien foutu. » - « Ah ! J’l’ai vu avant toi ! » - « Va lui parler alors ! » - « J’oserai jamais ! » - « Tu ne risques pas de te faire embrasser si tu restes comme cela sans rien faire. » - « J’ai pas ton corps de rêve. » - « Toi au moins tu as de la poitrine, des fesses, les hommes aiment ça ». Tu penses au titre du film. « Les hommes préfèrent les blondes ». Elle pense à son tour. « Les hommes préfèrent les grosses ». Tu concèdes. « D’accord, je veux bien t’aider ».

Le jeune homme quitte la partie un instant pour en griller une. June en profite pour se précipiter vers lui. Tu la surveilles sortir une cigarette, approcher la proie et se saisir du briquet qu’elle lui a demandé. Ils discutent en tirant des bouffées, rient aux éclats. Tu trouves le temps un peu long mais n’en perds pas une miette. June revient finalement vers toi. Avec lui. Tu paniques un peu, essaies de ne rien laisser paraître. « Bonjour ». Un seul mot et il te subjugue. « Salut. » - « Alice, je te présente Steven. Steven, Alice. » - « Enchanté ». Tu crois parler à un maître nageur tout droit sorti d’Alerte à Malibu. « Il nous a invitées à boire un verre chez lui ».

Vous (June) avez discuté avec Steven sur le chemin de la plage à son appartement. Vous (June) avez échangé des banalités puis (toutes les deux) avez pénétré dans l’antre de la bête. Tandis qu’il prépare des boissons, June te tape du coude dans le canapé. « Tu as vu ? C’est du gâteau ! Encore un poil de cuisson et il sera à point. Mais c’est toi qui souffles les bougies, d’accord ? » - « June… » - « Oui ? » - « J’ai mes trucs de fille. » - « Cela n’est pas grave, tu souffles avec la bouche non ? Comme tout le monde ! ». Steven rentre dans le salon, pose deux verres sur la table basse et s’installe dans un fauteuil en face de vous. June te lance un sourire. Elle se déplace vers Steven et s’assied à cheval sur ses cuisses. Elle lui chuchote quelque chose à l’oreille, délaisse sa monture pour le sol, juste à côté. Tu t’inquiètes malgré ce bleu bienveillant et ce sourire inamovible.

Quelques secondes et te voilà un homme dans la bouche, à effectuer des choses bizarres en la présence de June. Elle ne touche qu’avec les yeux. Quelques minutes plus tard, tu avales d’un trait la boisson préparée par Steven pour te débarrasser de ce drôle de goût, replaces ton appareil dentaire. « Maintenant ce qui serait sympa, ce serait un petit soixante-neuf ». La figure de June s’assortit d’un seul coup à sa robe. Elle se dresse énergiquement et gifle le jeune homme de même. « Mais pour qui nous prends-tu ? Des lesbiennes ? Viens Alice, nous nous en allons ». Vous sortez de l’appartement.


PENDANT LA NUIT

Malgré ta torpeur, tu sens quelqu’un se faufiler entre les draps. Tu tords les muscles du visage à cause du mouvement occasionné. Tu n’apprécies pas la digestion perturbée que tu subis, alors que June, te dis-tu, a osé laisser votre nuit inachevée. Tu joues les dures plusieurs minutes, grimaces, puis te vides aux toilettes. Salope, penses-tu, où se planque-t-elle quand tu en as le plus besoin ? De retour dans la chambre, tu tombes sur la poignée de bonbons que June a pris dans une corbeille, à la réception de l’hôtel. Tu revois la sucette que tu as goûtée plus tôt, ça t’a bien plu. Tu évalues la situation, estimes qu’une occasion pareille ne se présente pas tous les jours. Tu te sens désinhibée, malgré la tête qui tourne. Tu envisages d’aller t’excuser pour la gifle.


DIMANCHE

Tu te réveilles péniblement sur le ventre. Tu ne sais pas tout de suite où tu te trouves, ne reconnais pas la chambre. Tu sens un corps musclé couché contre toi, jettes un regard dans l’obscurité incomplète et reconnais le jeune homme de la plage. Steven, tu crois, ou quelque chose comme ça. Tu constates sa nudité en même temps que la tienne. Tu veux te lever mais tes membres inférieurs coincent. Tes poignets portent des marques rouges, tu remues ta seule main droite. Tu tentes d’émettre un son sans ouvrir la bouche mais ta gorge sèche. Ton cœur s’emballe brusquement et une décharge se répand dans tes veines. Tu te sens faible et sans grande volonté. Tu revois la gifle de June, l’arrivée à l’hôtel. Te souviens avoir mangé avec elle un repas peu ragoûtant au restaurant, et investi le lit après avoir vidé le minibar.

Tu abandonnes le jeune homme avant son réveil. Tu reviens à l’hôtel, sombres déchirée de douleur et d’épuisement, écrasée par les effets de la drogue que Steven a mélangée à ta boisson. Tu passes le matin aux toilettes, l’après-midi à attendre que June veuille bien se montrer. A cinq heures, tu décides de rentrer, payes à la réception de l’hôtel puis te diriges vers l’arrêt de bus. Chez toi, tu montes directement dans la chambre sans dire bonjour à tes parents, et prétends ne pas avoir faim lorsque ton père vient frapper à la porte.

Tu écris que le prince charmant n’existe pas sur ton blog, et que tu n’aurais pas dû le chercher. La boîte à musique posée sur la table de chevet termine son air. Tu t’agenouilles sur le côté du lit, appuies les coudes sur le matelas et le front sur tes mains jointes. Tu implores Ton Dieu, t’excuses, demandes pardon et souhaites que tout s’arrange très vite. Tu te traites d’idiote, plonges le visage dans tes mains désormais ouvertes, pleures sans retenue. « J’voulais tellement voir le pays de l’eau rose avec elle ! Pourquoi elle est partie ? Elle m’avait promis ! ». Tête la première, tu t’affales sur la couette.

La boîte à musique joue de nouveau. Tu t’en étonnes car tu aurais juré tout à l’heure que le morceau avait atteint sa fin. Tu ne cherches pas à comprendre sur le coup mais la musique s’emballe comme tu ne l’avais jamais entendue. Tu pousses un peu sur les bras pour remonter ton buste, orientes le regard vers la table de chevet. La musique accélère crescendo. Tu n’oses pas bouger mais sursautes quand la sonnerie de ton portable retentit pour t’avertir d’un nouveau message textuel. La boîte se calme.

« Désolée je suis retournée à l’hôpital. Viens demain je t’expliquerai tout. Bises. »


JUNE

Tu quittes la maison comme si tu partais à l’école pour ne pas éveiller de soupçons, tournes à gauche au lieu d’à droite au bout de la rue et prends instinctivement la direction de la clinique spécialisée dans laquelle tu as rencontré June. A l’accueil, la secrétaire d’origine asiatique te salue et demande ton nom. « Liddell ». Elle pianote sur son clavier. « Alice ? » - « Euh, oui. » - « Vous revenez pour la même chose ? » - « Pardon ? » - « Il y a dix ans jour pour jour, vous êtes venue ici parce que vous étiez boulimique. » - « Ah non excusez-moi, je viens pour voir quelqu’un. » - « Ah bon d’accord, qui venez-vous voir ? ». Tu marques un temps d’arrêt. Tu ne connais pas son nom de famille. « Euh, j’connais qu’son prénom, mais vous devez pas en avoir beaucoup : June ». Elle entre le prénom sur son ordinateur. « D’accord, mademoiselle Carter, chambre 666 ».

Malgré les cheveux blonds, tu parviens difficilement à reconnaître la fille allongée sur le lit. Elle écarte très légèrement les paupières. « June, qu’est-ce que ça veut dire ?! Qu’est-ce que tu fous ici ?! Et pourquoi t’es partie comme ça en pleine nuit, putain ?! ». Elle ouvre grand ses yeux bleus. « Alice ? C’est bien toi ?! Alice ! Tu es venue ! Tu as tenu la promesse ! Oh, comme je suis contente ! » - « Qu’est-ce que tu racontes ?! On était censé rester ensemble quoi qu’il arrive, à la vie comme à la mort ! J’me suis fait défoncer putain ! Et c’est d’ta faute ! ». June te regarde terrorisée. « Qu’est-ce que tu dis Alice ? Je ne comprends pas. » - « Tu disparais tout l’temps quand ça t’arrange, c’est trop facile ! » - « Pourquoi tu dis ça ? C’est pas facile, pas du tout ! T’as pas idée de ce que j’endure ici ! Qu’est-ce qui te prend ? » - « Pfff ! Mais regarde-toi putain ! De quoi t’as l’air à pleurnicher avec ta peau sur les os ? ». Sa voix se teinte de sanglots. « Arrête ». Tu hurles. « T’es tellement pathétique ! Ça t’plaît d’être comme ça hein ?! Faut toujours qu’t’aies une bonne excuse hein ?! Et ben restes comme ça si ça t’amuse ! ».

Tu assistes au spectacle de cette fille qui, sans doute penses-tu, souriait tout le temps autrefois, et qui pleure à grosses larmes sur son lit d’hôpital. Tu te détournes finalement et marches d’un pas décidé vers la porte de la chambre. La franchissant, tu regardes June encore une fois. Tu ne saurais encore dire pourquoi, mais ce que tu vois à ce moment-là te glace le cœur.


ENCORE

Etendue sur ton lit, tu rêvasses en fixant le plafond. Lorsque la boîte à musique s’enclenche sans que tu ne lui aies rien demandé, tu redresses l’oreiller contre le mur et ta tête avec. Une fille blonde habillée de rouge se balance, assise sur le rebord de ta fenêtre, tournant le dos à l’intérieur. Tu lui ouvres mais elle ne bouge pas. Alors tu te glisses dehors avec elle, et vous vous tenez là à regarder les étoiles. « Tu m’en veux ? ». Elle ne répond pas. « J’m’excuse, June. Mais j’étais vraiment énervée ». Elle lance ses jambes au-dessus du vide, les ramène, tête baissée. Recommence. Tu scrutes le ciel. « Tu crois qu’il y a des chats là-haut, dis ? Et des chiens ? Tu crois qu’il y a des chiens ? ». Elle avale sa salive distinctement. « Tu crois qu’il y aurait un gros chien comme Belle là-haut ? Tu connais Belle ? Belle et Sébastien ! ». Ses grands yeux qui ne se ferment jamais reflètent la lumière de la lune. « Toi tu pourrais être Belle, parce que tu l’es déjà. Et moi j’serais… Sébastiane ! Ça t’plairait dis ? » Un croissant argenté se dessine sur la joue de June depuis le coin de son œil. « Oh ! La lune ! C’est pour moi ? C’est gentil ! ». Tu poses la main sur son épaule. Elle laisse tomber sa blondeur sur la tienne. « On va l’faire. J’ai envie d’le faire. En Corée du Nord ».


PLUS TARD

Tu ne sais plus très bien combien de temps vous avez roulé à travers l’Europe, puis l’Asie. Vous avez fini par arriver à Séoul, décidé de vous y arrêter pour préparer au mieux le passage de la frontière. A la réception de l’hôtel, l’homme vous a parlé d’un événement en ville après avoir vu vos passeports. Dans le cadre du festival du film français, l’équipe du Casse-tête chinois doit assister à l’avant-première mondiale dans un cinéma non loin de là. Vous allez voir de quoi il retourne et tu t’ébahis en découvrant la foule qui prend d’assaut les barrières disposées devant l’entrée de la salle. Une jeune fille vous aperçoit et vient s’adresser à toi dans un français accentué mais pas mauvais pour autant. « Tu es française ? » - « Oui, c’est quoi ce monde ? » - « Nous venons tous voir les gens pour film ! Les deux premiers plaisent beaucoup ici, et il y a aussi Japonais qui viennent pour voir acteurs ! » - « Et ben… » - « Toi aussi tu viens voir film ? C’est première fois les gens vont voir avant la sortie ! ».

La foule s’écrie, et tu comprends que l’équipe du film entame son défilé sur le tapis rouge déroulé pour l’occasion. Tandis que l’acteur Romain Duris signe des autographes pour les jeunes filles, les garçons photographient massivement ses partenaires Kelly Reilly et Audrey Tautou. Lorsque la comédienne Cécile de France se joint à la fête, des dizaines de Chinois fans de Jackie Chan plongent dans l’hystérie la plus irréelle, pendant que tu bloques, la bouche en cœur, sur son sourire.

Le soir, à l’hôtel, tu sors de la salle de bain et tombes sur June, assise en train de pleurer sur le lit. Tu remarques une feuille devant elle, t’en saisis et déchiffres la date du lendemain écrite au-dessus de têtes de mort ailées. Tu attrapes ses bras, plaques son corps contre toi et lui caresses les cheveux. « A la vie comme à la mort ». Tu chantes une berceuse pour qu’elle s’endorme.


LA JETEE

Tu ne sais plus très bien combien de temps a passé depuis que vous avez franchi la frontière. Tu marches sur les falaises sans penser à rien, les mains derrière le dos. Tu ne parles pas, n’en ressens pas le besoin. Tu savoures ce jour ensoleillé en considérant, enfin, vivre pleinement à ta place. Tu lézardes, montes sur de petites butes, t’accroupis par instant avant de repartir vers nulle part. L’océan brille devant toi.

Après avoir tourné des heures, tu t’approches du bord. Le vent souffle, déplace les nuages, qui cachent l’étoile. Tu entends June s’arrêter à ta suite. Tu l’imites, te tournes face à elle. Elle sourit, mais si timidement. Plisse les yeux, tristement, comme pour te supplier. Tu hésites des secondes qui trainent comme les heures, lui attrapes la main et cours la faible distance qui te sépare du dernier saut.

Tu tombes, la tête en bas, tout en serrant June très très fort dans tes bras.


FIN

Tu avances pieds nus dans l’herbe humide. June marche à côté de toi, sa main dans ta main. Si la brume mauve alentour ne vous masquait pas le paysage, vous pourriez admirer des étendues d’herbes, de rosiers éclatants et d’eau rose. Tu devines des présences, d’autres personnes venues ici se faner en paix, se baigner dans les bassins d’eau rose. Au gré des nuages violets, tes vêtements tombent un à un. Puis au terme d’une durée abstraite, tu trouves un jardin manifestement inoccupé et accueillant. Tu te roules dans sa pelouse mouillée, ris de bien-être et oublies tous les kilos superflus qui te complexaient tant auparavant. Puis tu le découvres, ton bassin d’eau rose, creusé à même la terre.

Tu plonges un pied dans l’eau rose, et t’étonnes de voir des filets d’eau couler de tes cheveux soudainement trempés. Tu enfonces la jambe, et l’eau s’écoule le long de ta figure, avant de s’écraser sur ta poitrine. L’eau rose s’harmonise finalement à ta taille. D’un seul coup, te voilà complètement immergée. Tu vois toute ta courte vie défiler accélérée, les images s’effacent instantanément de ta mémoire.

« C’est le paradis ? » - « Si tu veux. En te baignant dans l’eau rose qui traverse ces jardins, tu oublies tous tes mauvais souvenirs, tous les visages désagréables et les froncements de sourcils ».

Le temps de réaliser ton erreur, tu repenses à ce jour où tu as rendu visite à June à la clinique. Ce jour où tu as assisté au spectacle de cette fille qui, sans doute as-tu pensé, souriait tout le temps autrefois, et qui a pleuré à grosses larmes sur son lit d’hôpital. Tu t’es détournée, finalement, et as marché d’un pas décidé vers la porte de la chambre. La franchissant, tu as regardé June une dernière fois. Tu sais maintenant dire pourquoi. Pourquoi ce que tu as vu cet instant t’a glacé le cœur. Tu te tords le cou, commences à boire la tasse. Sous l’eau, tu vois June exactement comme ce jour-là, fronçant sévèrement les sourcils. Tu libères de ta bouche plusieurs bulles de désespoir, derrière lesquelles elle s’éloigne avant de disparaître pour toujours. Tu tentes rageusement de remonter à la surface, mais ne réussis qu’à te briser le cœur.


SANS ELLE

Tu sors de la chambre. Parcours les couloirs qui te donnent l’impression que rien n’a jamais changé dans ce bâtiment. Penses que le plus important ne se trouve pas dans les murs mais dans les yeux des gens. Les étoiles réfléchissent encore dans le ciel matinal pour qui sait les voir. Tu marches le long des rues, simplement par plaisir, entres dans une boulangerie malgré le petit déjeuner pris plus tôt. Tu t’assieds à une table de la petite salle prévue pour la restauration, commandes deux beignets à la framboise et un sirop de grenadine. Un chat tigré passe d’un pas pressé devant la grande vitre de l’établissement. Tu ne te poses aucune question au moment d’entamer ta collation, fredonnant l’air de Sleep the clock around qui démarre dans tes oreilles depuis ton baladeur mp3. A une autre table, une jeune femme feuillette un magazine dont la couverture affiche une souriante actrice belge, tandis que sa fille torture une Barbie à robe rouge. Tu as très envie de partager ce que tu as vécu ou imaginé, hâte d’essayer ces blogs dont tout le monde parle, souris nerveusement en pensant que « tiens, on est au mois de juin » et que tu fêteras donc ton anniversaire très bientôt.

Tu te demandes si Alice doit regretter ce qu’elle t’a dit, si tu dois l’aimer ou la détester. Tu aimerais beaucoup la voir pour de vrai, rester là à manger des pâtisseries et à parler pendant des heures avec elle. Tu pressens à quel point elle aurait aimé rester là, elle aussi, encore un peu, puis quittes ce sentiment et oublies ce rêve idiot en te levant.


La tête dans les nuages, il pleut dans mon cœur.

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@stro
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Message par @stro »

Je te le redis ici : BRAVO !
Pour que la France retrouve sa Démocratie perdue : UPR.FR

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camite
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Message par camite »

Merci mon gars !
La tête dans les nuages, il pleut dans mon cœur.

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Sam_34
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Message par Sam_34 »

Très bien écrit ;) les nombreuses références à Indo sont souvent bien intégrées au texte, bravo !
Where are you now, where are you now ? Do you ever think of me, in the quiet, in the crowd?

Et elle m'a pris à son bord. Pour toutes les nuits et encore

sleepy
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Message par sleepy »

c'est magnifique !

difficile d'écrire quoique ce soit derrière !

bravo !

j'aimerais te souhaiter que Nicola lise ce travail... il y a vraiment de quoi en être fier !

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camite
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Message par camite »

Merci ;)
Je l'avais envoyé pour le concours Indoreporter 666 mais assez tard, donc je ne sais pas...
Enfin heureux que ça vous ait plu.
La tête dans les nuages, il pleut dans mon cœur.

titelfe
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Message par titelfe »

je n'ai qu'un mot a dire : waw !
Elle deviendra ce qu'elle voudra... une fée... un ange... n'importe quoi

:coeur: Amiens 11/03/06 - Liège 09/07/06 - Bruxelles 15/12/06 - Bruxelles 02/03/07 & 03/03/07 - Bercy 19/05/07 - Nancy 10/12/07 :coeur:

Punker-13
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Message par Punker-13 »

Ben je crois qu'il n'y a qu'un seul mot à dire : BRAVO !
Indo à Forest National & au Stade de France. =D
J'ai mes places ! :love3:
Vite le nouvel album. Ils me manquaient :)

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Malicia_Sirkis
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Message par Malicia_Sirkis »

Waaaaaaa c'est trop trop trop bien!!! Bravo!!!!!
Hi Miss Alice、あなたがらすの目でどんな夢を見られるの?
¤Vampire Knight addict¤

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Tallilou
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Message par Tallilou »

Avec tout les compliements que je vois, allez, j'imprime ! A dans 1h pour vous dire ce que j'en pense lol

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camite
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Message par camite »

Pour les fans de l'imprimante, je suis toujours disposé à l'envoyer en Word ;)
La tête dans les nuages, il pleut dans mon cœur.

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Tallilou
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Message par Tallilou »

Alors, je l'ai lu, j'ai quasiment rien compris...

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camite
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Message par camite »

A ce point-là ? ^^
La tête dans les nuages, il pleut dans mon cœur.

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Tallilou
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Message par Tallilou »

Ah ouai, c'est assez décousu, ya pas d'enchainement logique et la temporalité est bizarre, j'ai strictement rien compris notamment dans le "pays" de la Pink Water...

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camite
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Message par camite »

Hum la temporalité est assez linéaire, à deux trois exceptions près. Quant au pays de Pink Water, c'est un peu onirique oui ;)
La tête dans les nuages, il pleut dans mon cœur.

Ind0-June
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Message par Ind0-June »

Wow .. et bien je viens de lire tout. J'commence à avoir mal aux yeux lool ! Non mais franchement ... BRAVO !
C'est si bien raconter et les références aux chansons c'est une bonne idée , je trouve !
C'est superbe ... y'a pas d'autres mots je pense !
^^ En tout cas encore BRAVO :) !
08.12 Bercy 2 :coeur:
19.05 : :coeur: M-05 =D

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