Nouvelle...

Postez ici vos oeuvres "100% Indo"
Verrouillé
Setsuko
Messages : 11
Enregistré le : 14 oct. 2002 21:25

Message par Setsuko »

Matin noir. Matin sale.
Juste des pleurs enfouis au fond d’mes poches. Betty les ravale, moi j’laisse faire. Qu’elles roulent, j’évacue. Le mascara coule. A l’arrêt d’bus, tous les regards sont rivés sur moi et mes yeux remplis de pluie. Betty les défie de m’approcher et d’me faire la moindre réflexion. Betty, c’est ma garde rapprochée. Celle qui m’rattrape quand je trébuche, celle qui camoufle mes bleus à l’âme quand rien n’va.

Et nous y voilà… Le cœur lourd, le rose s’est fait la malle et m’a laissée sur l’quai d’Saint Laz’ avec mes valises remplies de pluie et de noir. Qu’importe Betty est là et sourit à tout va. On marche, on grimpe la rue d’Amsterdam… La lumière est là mais j’capte pas, elle n’accroche pas mon r’gard… C’matin, j’reflète pas. Zone rouge, zone d’ombre. Sur le fil. Ca coupe, ça tranche.
Betty fait la fière et bombe le torse. Moi, j’suis l’maillon faible, le maillon qui lâche. J’baisse la tête, j’me traîne, j’me cache derrière Betty et son pas assuré.
En ch’min, j’croise ton r’gard, une p’tite bise, quelques mots… Babsi s’efface, Betty est d’garde.

Puis, un soir, j’rentre et Betty n’est plus là. Plus là pour me soutenir, entretenir cette joie passée désormais artificielle. Non, je suis là, seule. En face-à-face avec mon moi tiraillé de souffrances et de doutes. Mon make-up s’écaille. Même les artifices font une pause.
Je prends quelques fringues, j’arrache la demoiselle Zeidel de ma platine, fourre mon Winnie dans mon sac et je prends la direction du paradis aseptisé. Direction l’hosto pour la deuxième fois en cinq mois. J’ai craqué, j’ai sombré. Encore plus bas.
L’enfance fait son come-back. Je suce mon pouce, roule des mèches de ch’veux entre mes doigts, dors en position fœtale avec mon Winnie serré dans mes bras.
Vient la valse des médecins, des infirmiers, des aide-soignants, des psychiatres. Et puis le cocktail explosif des antidépresseurs mêlés aux sédatifs, le tout agrémenté de somnifères. Parce que Betty s’est fait la belle sans m’prévenir. Les bras en sang, le cœur en miettes et l’âme en cendres.
Pas encore assez faible pour basculer toute entière, mais pas assez forte pour survivre seule.

La vie continue… Les larmes, les nuits sans dormir, les médocs, les crises d’angoisse et tout l’toutim font partis du décor maintenant… Je ne suis plus actrice de ma propre vie… Je suis là, assise au premier rang, spectatrice de ma propre déchéance…
Mais qu’importe, personne ne se doute de rien. Babsi se tue à p’tits feux, sans rien dire…
Je ne cesse de faire un transfert entre Cecilia Lisbon et moi… poignets en sang, dans la baignoire. Plic ploc fait le sang sur le carrelage… Viennent les scarifications, traitements en pointillés… « Ca fait mal et ça fait rien… »

Et puis vient Juin… son soleil, ses rires, ses peaux qui dorent et la mort qui frappe… comme ça, un dimanche sans prévenir. Betty s’écroule, Babsi aussi. Mais Betty relève la tête, porte le masque et sourit.
Seule Babsi va à l’enterrement. Au deuxième rang. La main accrochée à l’épaule de ma tante, la tête qui cogne contre le banc et mon autre main sur la tête de mon cousin. On suffoque, on étouffe, on tremble main dans la main, arrimés l’un à l’autre.
Ca hurle, ça crie, ça pleure ça et là.
Babsi titube, avance, recule puis y va. Embrasse le cercueil et va s’écrouler sur le perron de l’Église quelques mètres plus loin.
Ca et là fusent des messages de compassion, de condoléances… mais nous, la famille, on entend rien. On se serre dans les bras, on est là entre nous, abasourdis, hébétés, assommés et anéantis. Personne n’existe à part nous, les autres passent, nous embrassent et quelques instants plus tard, on oublie qu’on les a vus.
En quelques secondes, nos vies à tous ont basculé.

Babsi continue de tomber, tomber à un point où Betty ne peut plus rien faire. Vient la troisième hospitalisation tout juste un mois et demi après la seconde. Trop de séquelles, de bleus à l’âme et de meurtrissures. Babsi a dérapé une fois d’trop. A trop flirter avec la mort, voilà où l’on finit : Hôpital psychiatrique. Soins intensifs.
Va-et-vient des infirmiers, des médocs, des psychos et des psys. Le couloir de Barbara résonne dans ma tête…
On essaye de s’en sortir, de ne pas lâcher prise, de ne pas céder à la tentation… S’étrangler avec le fil du téléphone, s’étouffer avec le coussin, se brûler avec nos lacets de chaussures, prendre une barrette et se scarifier avec. C’est une lutte de chaque instant.
Et puis parfois, on ose. On appuye sur le bouton et on pose sa tête sur l’épaule d’un infirmier et on pleure sans rien dire.
Personne, à part nous, ne sait à quel point ce que l’on vit, ce qui se passe en nous, ce qui nous hante, nous bouffe… nous tue… nous flingue à l’usure… Et ça n’se remarque pas. La dépression n’est qu’une sale perverse, vicieuse et sournoise. Qui vous bouffe là, à l’intérieur.

Entre nous, on parle, on rit, on essaye de faire face, de n’pas craquer devant ces autres qu’on n’connaît pas… et qui deviennent vite des bouts de nous, des bouts de nos vies… de passage mais à jamais gravés dans nos cœurs à tous… Puis on partage rires, larmes, coups d’gueule, coups d’cœurs… on gratte ça et là ces p’tits morceaux de nous sur ce grand tableau blanc… des « merci », des « courage », des SOS, des chansons… Et on essaye tous, tant bien qu’mal, de porter notre « mal de vivre en bandoulière ou comme un bijou… »… Plus facile à dire qu’à faire. Comme toujours.
Qui aurait pu imaginer que l’on en était là, à crever seuls, en train de tout envoyer valser?
On se serre les coudes, la team de B.A avance avec entrain ou se traîne selon les jours. Selon les nouvelles. Et puis, il y a ceux qui portent encore leur masque, qui ne parviennent pas à l’enlever, d’autres qui craquent vite et ouvrent les vannes à peine arrivés… Mais on a tous, un jour où l’autre, laissé tomber le masque… osé se montrer soi, ses douleurs, sa fragilité et ses faiblesses aux yeux de tous. Et quel soulagement. Ici, pas de vautours. Personne ne vous plonge la tête dans l’eau, personne ne vous étouffe ou ne enfonce encore plus bas. Ici, il n’y a que des mains qui se tendent, des bras qui vous enlacent, des paroles qui vous mettent du baume au cœur. Ca n’soigne pas les bleus à l’âme mais ça permet de tenir, de raviver un peu la flamme qui s’était éteinte au fil des jours.

Vingt-quatre jours et c’est la fin pour moi.
B.A ferme ses portes et nous, les sept derniers finalistes du « Loft » ont sort. Retour à la réalité. Le choc. On a quitté notre cocon… et je m’aperçois que le monde d’ici n’est toujours pas pour moi. Trop d’indifférences, de bruits, d’hypocrisie, de coups de poignards dans le dos. Trop de tentations, la mort continue de rôder, il faut résister. Serrer les dents et avancer.
Oscillante, Babsi danse avec la vie et joue avec la mort… Parce qu’il y a des heures comme ça où plus rien n’a d’importance, plus personne dans votre cœur pour vous rappeler qu’il ne faut pas « le » faire…
Il y a beaucoup plus de jours sans soleil qu'avec. Mais il faut du temps. Du temps pour apprendre à vivre sans son masque, sans sa Betty à soi... Du temps pour réapprendre à vivre. Vivre pour soi et ne plus survivre pour les autres.

----------------------------------------------------
Voilivoiloù c'est un peu long comme nouvelle et pourtant, j'ai enlevé quelques passages alors n'hésitez pas à m'remercier car je vous épargne quelques minutes de torture supplémentaires! ;) Si, si, si j'vous assure... ;)
En tout cas, merci de m'avoir lue :)

"Love" aux *Anges* ;) mais surtout à Anne-Laure et Guy... I miss you so much... :cry:


Geri'Power!

Verrouillé